CVT Comedies francaises 7048  Dans ce roman protéiforme, on suit Dimitri Marguerite, jeune reporter à l’AFP, dans 2 histoires, les « comédies françaises » :

  La première est celle de Dimitri, personnage curieux, idéaliste, irrésolu, cultivé, brillant, toujours à l’affut de rencontres et de moments forts, croyant au hasard et aux coïncidences (la même femme croisée plusieurs fois en plusieurs lieux…), à la forte sensibilité, qui peine à vivre dans le réel, qui deviendra après de grandes études, lobbyiste puis reporter à l’AFP. Il réfléchit à écrire, roman dans le roman, la rencontre décisive entre Max Ernst et Jackson Pollock en 1942 (passionnante digression).

  La seconde est son enquête sur l’échec peu connu l’invention du datagramme par Louis Pouzin et l’abandon du projet par Valéry Giscard d’Estaing en 1974 sous le lobby d’Ambroise Roux, puissant et fascinant capitaine d’industrie. Le projet, repris par les Américains, deviendra Internet alors que la France se tournera vers le Minitel.

  On suit ainsi ses investigations et réflexions, ses rencontres, ses obsessions, ses rêves dans un roman dense, extrêmement bien renseigné au style soigné et fluide, à l’humour grinçant

nature humaine

  Décembre 1999, 2 terribles tempêtes s’abattent sur la France. Dans la ferme familiale du Lot, Alexandre attend l’arrivée des gendarmes. C’est la fin de l’exploitation qui a su longtemps s’adapter aux changements, la fin d’un certain monde paysan, rural avec ses liens étroits entre homme et nature. De 1976, année de la grande sécheresse à 1999 en passant par 1986 (Tchernobyl), S. Joncour nous raconte avec style, force, précision et attachement l’histoire de cette vie, passée dans l’écrin de cette petite vallée, de la ferme parentale au côté de ses 3 sœurs, à la succession de ses parents puis à la fin volontaire de l’exploitation, usé et désenchanté…et un amour aussi, la lumineuse et engagée Constanze.

  25 ans d’une vie paysanne pensée comme immuable mais où s’entrechoquent évolutions matérielles et économiques, aménagements du territoire, luttes, vie politique et catastrophes, le roman d’une famille rurale française dans son époque, le récit de la fin d’un monde.

civilizations binet  Et si l’histoire avait été différente ?

  Laurent Binet part de l’idée que les 3 facteurs qui ont permis aux Européens de coloniser l’Amérique, le fer, le cheval et les anticorps sont cette fois du côté des Indiens. A travers 3 récits, Binet nous raconte comment une expédition viking les auraient apportés à Cuba, comment l’expédition de C. Colomb aurait échoué (raconté par ce dernier dans un faux journal) et comment des Incas en fuite mené par leur roi Atahualpa, avec la complicité de Cubains auraient traversé l’Atlantique, accosté au Portugal et finit par s’imposer dans  l’Europe de la Renaissance et des guerres de religions, menacés par l’Empire Ottoman, par victoires militaires, lois rationnelles et progressistes et alliances politiques et religieuse.

   On y croise Charles Quint, Luther, François Ier, Montaigne, Michel Ange, Cervantès (dans un dernier récit le mettant en scène à la place de son Don Quichotte), des Mexicains, Incas, Allemands, Florentins ou Barbaresques, des Andes à l’Allemagne, de Tunis à Paris.  Une uchronie haletante, documenté, riche et complexe menée avec style, Prix du Roman de l’Académie Française 2019

Lake Success  En 2016, pendant l’élection présidentielle américaine, Barry Cohen, New-Yorkais directeur d’un fonds spéculatif prospère, prend une décision subite qui sonne comme un nouveau départ : traverser les Etats Unis en bus Greyhound, le moyen de transport réservé aux pauvres, pour rejoindre au Nouveau-Mexique son ancien premier amour. Alors menacé par une enquête de la Commission boursière, il laisse Seema, sa femme d’origine indienne, et leur fils autiste de 3 ans, Shiva, desquels il était distant pour tenter de refaire sa vie. Son road trip, pendant lequel il ira à la rencontre de vieilles connaissances, le mettra aux prises avec une autre Amérique : celle des pauvres, des marginaux, des déclassés. Pendant ce temps-là, sa femme et son fils entament eux aussi une autre vie.

  Avec un ton drôle, grinçant et profond, à travers ce personnage naïf et maladroit, irritant et attachant à la fois, G. Shteyngart dresse le portrait d’une Amérique sur un fil, diverse mais cloisonnée, fracturée avec l’autisme, réel et métaphore, comme mot-clef de ce roman.